Saturday, August 30, 2008

Règle singulière du pluriel

Ils étaient deux, ils étaient nus,
Ils étaient jeunes, ils avaient bu,
Ils étaient ce que je n'étais pas,
Ils étaient ce qu'ils n'étaient pas.

Il faisait nuit, il faisait froid.
Ils dansaient libres une valse sous la lune
Batifolant impudemment sur la dune
Je les regardais, plein d'amour et d'émoi.

Le jour se leva, le ciel rougit.
Ils coururent se réfugier dans la grange,
Pour se mettre à l'abri de l'étrange,
Je ramassais mon âme et la refermais sans un pli.

©2008 Marwan Elkhoury

Thursday, August 28, 2008

La Muse Eclatée

Tu m’aspires dans ton sein et m’inspires ce poème,
Tu m’attires dans tes yeux, et me foudroies de tes peines.
Tu paralyses mon inspiration, la remplaces par la tienne
Je prends ta voix et j'en fais une folle antienne.

Tu n’aimes qu’à aimer et être aimée
Tu me donnes l’amour sans la liberté de m’exprimer.
Tu veux la liberté et l’amour,
Mais tu me lies à toi et me laisses sans liberté.
Qu’est-ce que l’amour sans la liberté
Et la liberté sans l’amour.
Je revendique l’amour de la liberté et la liberté de l’amour.

Je suis ton ami. Tu te joues de mes faiblesses
Tu me fais peur par ton amour et me fait fuir de t’aimer.
Tu es la finesse, moi, la lourdeur.
Tu es la vie, je suis la mort,
Tu es la beauté de ma laideur,
Et moi, la laideur de ta beauté.
Mais l’un sans l’autre, nous ne sommes rien,
Et l’un dans l’autre, serions-nous si bien.

J’ai besoin de toi autant que tu as besoin de moi.
Je ne suis rien sans toi. Tu n’es rien sans moi.
Nos sorts sont liés ; tu vivras avec moi et tu mourras avec moi.
J’ai besoin de toi pour cristalliser mon imagination
Et toi pour imaginer mes cristallisations.
Mais lorsque je ne t’ai plus, je ne peux plus écrire
Et lorsque je t’écris, je ne suis plus épris.
À moins que, sur ton corps, je n’écrive mes lamentations
Et sur ta chair mes sensations
Mes mots deviennent des caresses,
Mes virgules te laissent des paresses,
Mes traits te donnent des chancres,
Et dans ton sang je plonge mes encres.

De ma plume, je te choie,
De mes doigts, je te broie,
De tes caresses, je me noie,
Et déroule ma plainte d’élève aux abois.

Comme un enfant gâté, avec son nouveau jouet,
Je te lance en l’air pour te faire éclater
En mille morceaux, chaque morceau s’éparpillant en mille autres morceaux.
Je sors de la chambre sans un regard
Pour ce désastre, que je balaie d’un coup de tête.

Muse, ô ma Muse, je voudrais t’aimer que je ne pourrais,
Ce n’est que lorsque tu n’es plus que je peux enfin être,
Tu t’amuses à me cajoler, je t’aime à me détester
Ta chevelure abonde d’un parfum de paradis,
Qui m’enchante à te chanter une ode pourrie.

Tu vis avec qui tu ne voudrais pas,
Moi, le poète sans illusions,
Ne pouvant être avec qui tu voudrais être,
Le Baudelaire des Fleurs du Mal ou le Rimbaud des Illuminations.

Voilà que je te dégoûte.
Je te rappelle que je ne suis rien sans toi, ni rien avec toi,
Qu’un vulgaire scribouilleur jouant au poète que tu déboutes.

©2008 Marwan Elkhoury

Sunday, August 24, 2008

La jeune fille et la mort

Un jour, la mort, dans sa rituelle ronde matinale,
Cueillant de merveilleux lys, à frêles pétales,
Rencontra une belle jeune fille qu’il aborda timidement,
Mon dieu, comme vous êtes belle, lui dit-elle, en rougissant,
Et la douce et belle créature de répondre,
Mon dieu, vous m’avez fait ombre.

Désolé, demoiselle, là n’était point mon intention.
Je ne faisais qu’un petit tour dans le jardin des tentations.
Et pour vous consoler de votre frayeur,
Voilà, ces fleurs sont à votre intention.

Je vous remercie mais ne puis accepter un tel présent.
Ce n’est rien, demoiselle, en l’acceptant,
Vous me faites un plaisir bien plaisant.
C’est trop gentil, je suis votre obligée, à présent.

Oh, Madame, je vous en prie, c’est moi qui le suis pour vous.
Je suis vieux, je suis laid, je suis à vous,
Vous êtes jeune, vous êtes belle, vous avez la vie devant vous,
Moi, je l’ai derrière moi, et le monde est à vous,
Je pars, à présent, et n’ose m’attarder près de vous,
De peur qu’on ne me surprenne à vos pieds
Et que vous commenciez à m’aimer,
Sentiment qu’à mon âge, je ne saurais supporter.

Est-ce que je vous dégoûte tant pour que vous partiez
Si précipitamment. je vous en prie, ne partez pas, restez,
J’ai comme quelque chose à vous dire. Je n’avais,
Au contraire, Madame, nulle intention de partir,
C’était juste, à vos égards, une formule pour vous ravir,
Afin que vous m’obligiez près de vous,
Et si j’en oublie mes soucis des enfers, je veux dire,
Ce n’est pas tous les jours que je fais de si belles rencontres, rassurez-vous.
Aux enfers, ils sont ternes et poussière.
Que voulez-vous que j’en tire, comme conversation au petit-déjeuner.

Cher ami, ne partez pas, Ou prenez-moi avec vous.
J’en ai assez de ce monde. Il n’est pas fait pour moi.
Madame, c’est profanation, comment osez-vous
Tenir un tel discours devant moi.
Je vous en prie, j’en ai assez de cette vie, Je m’en fous,
Je vous aime, c’est vous que je veux épouser
Non pas mon imbécile d’amant transi de froid à vous faire fuir.
Madame, je vous en prie, je suis votre obligé, je ne puis plus me dédire.
Suivez-moi, allons de l’autre côté des pleurs et du rire.

Amour et mort font bon ménage,
L’amour, de la mort, est l’otage.
Les deux pôles d’un même voyage.

©2008 Marwan Elkhoury

Thursday, August 14, 2008

Isomorphismes Amoureux

Je t’aime mais tu ne le sais pas encore
Je t’aime mais tu ne le sauras jamais
Je t’aime mais tu ne m’as jamais aimé
Alors pourquoi t’aimerais-je si tu ne peux pas m'aimer.

Je t’aime sans raison,
Je ne sais ce qu’est aimer
Je ne sais qui j’aime en toi
Je ne sais ce que j’aime en toi
Mais je sais que je t’aime et c’est tout ce qui m’importe.

Je t’aime sans te connaître
Qu’en aurais-je du pourquoi, du comment et du parce que
Si je savais pourquoi je t’aimais
Continuerais-je encore à t’aimer
Si je savais ce que j’aimais en toi,
Continuerais-je à t’aimer
Si je pouvais t’aimer t’aimerais-je encore
Qui le sait et pour combien de temps encore.

Je t’aime parce que je ne te connais pas
Je t’aime parce que tu ne m’aimes pas
Et si je te connaissais, t’aimerais-je encore
Peut-être pas.

Amour et connaissance sont-ils compatibles
L’amour est aveugle et la connaissance méconnaissance
J’aime ce que tu n’es pas
Si je t’avais je ne t’aurais pas
J’aurais celle que je pense être toi mais qui n’est pas toi
Et si j’aimais ce que tu étais,
Tu ne serais plus ce que j’aime ou ai aimé
Déjà rien que l’acte de t’aimer altère ton identité
Et rien qu’en t’aimant, j’aurais aimé une autre que celle que j’avais cru aimer.

Je t’aime par hasard et pour mon malheur
En t’aimant je crois trouver le bonheur
C’est le malheur qui, en t’aimant, me rejoint à tout jamais
Celui de t’avoir aimé sans avoir pu t’aimer
Celui de toujours t’aimer sans jamais être aimé.

©2008 Marwan Elkhoury

Wednesday, August 13, 2008

L'Amour du Triangle

Chaque fois que je pense à toi
Je me demande tu penses à quoi ?
Tu penses à lui ou à moi ?
Quoique je sois tu me laisses coi.

Chaque fois que je te voie
J’ai comme l’impression que nous sommes trois.
C’est comme chacun pour soi
Soit pour soi ou l’autre pour soi

Je t’aime pour toi non pour l’autre.
Tu m’aimes pour l’autre, non pour moi
Pourquoi alors être avec moi
Quand tu ne penses qu’être avec l’autre.

Dis-moi alors comment te sens-tu
Je te regarde tu ne m’aimes plus
Tu regardes ailleurs comme si je n’étais plus
Dis-moi que voudrais-tu
Que je sois ailleurs ou que je ne sois plus.


© 2008 Marwan Elkhoury

Paysage de pluie

Il pleure sur la ville
Comme il pleut dans mon coeur.
Quelle est cette langueur
Qui berce mon coeur.

Le jour est la nuit
Qui reflète l'ennui
D'une âme meurtrie
Et d'un coeur flétri.

La pluie joue des cordes
De ma tristesse qui déborde
Des heures sans démordre
D'une houle qui l'aborde.

Sans espoir ni bonheur
Voir l'espoir du malheur
Me combler d'horreur
Quand vient le bonheur.

Il pleure sur la ville
Comme il pleure dans mon coeur.
Quelle est cette peur
Qui me laisse sans coeur.

Le coeur a de la peine
De ne connaître sa peine
Croire qu'en la faisant reine
Il croira qu'il l'aime.

Il pleure sur la ville
Il pleure dans mon coeur
Tous deux pleurent en choeur
L'inconsolable rime du rêveur.

© 2008 Marwan Elkhoury

Saturday, August 2, 2008

C'était juste après la guerre.

C'était juste après la guerre,
Mon amour, te souviens-tu encore ?
Comment me souviendrai-je de cette ère,
Qui m'a plongée dans une pénombre obscure ?

Te souviens-tu de nos amours, chéri,
De nos amours chéris, ce dont je me souviens encore,
C'est qu'avant de faire l'amour, chéri,
On faisait toujours la même prière,
Toujours la même prière, chéri.

Je ne me souviens plus, chéri. Mais si, chéri.
On priait dieu qu'il nous gardât en vie,
On priait pour que si l'on restait en vie,
Que l'on puisse vivre heureux.

C'était juste après la guerre,
Te souviens-tu, mon amour ?
Non, je ne me souviens plus,
Mais quelle importance pour nous.

Je me souviens plus des balles perdus,
Traçant dans la nuit nue
Des fils d'or d'une tapisserie géante
Toute tissée de rouges et de menthe.

Je me souviens plus des bombes incendiaires
Brûlant villages et pauvres héres.
Je me souviens plus des bombes à fragmentation
Qui flashaient comme des films d'animation
Explosant aux visages d'enfants qui les jetaient en l'air.

Je me souviens des miliciens de dix ans
Qui jouaient à la guerre comme on joue aux méchants
Brandissant leur klachin dans les rues en riant
Embourbées de sang et de corps boursouflés
Et, après avoir vidé des chargeurs complets,
Partaient en criant comme après avoir tiré un bon coup.

Alors, quand, enfin, les tirs se sont arrêtés,
Alors quand les enfants-miliciens se sont retirés,
Alors quand les politiciens, de leurs crimes, se sont fêtés,
Nous ramassâmes de parterre nos amours mortes
Des corps enlacés, des moignons d'enfants retors,
Pour les mettre en terre comme ils auraient aimé l'être encore
Et faire place nette à d'autres guerres si civilement menées.

© 2008 Marwan Elkhoury