Sunday, September 28, 2008

Un seul être me manque

Un seul être me manque
Et tout est dépeuplé.
Un seul être me manque
Et tout est repeuplé.

L'amour charnel
Est esclave du réel
Il obéit aux mêmes lois
De la géométrie des poids.

Attiré vers le bas,
Magnétisé par le vide,
Il tombe, à grands fracas,
En se fracassant sur les sols hostiles.

Nous jouons le jeu de l'amour
Pour mieux le feindre
S'en donner l'illusion.
Mais si, par malheur, il nous touchait,
Nous serions brûlés
Par le feu d'une passion incontrôlée.

Chacun est ombre et ombre de lui-même.
Tout n'est qu'illusion
Dans un monde qui n'existe plus,
Un monde qui n'est plus
Que la trace de sa création
Des milliers d'années-lumière en amont.

Tout, un jour, fut.
Tout ce qui fut, fut.
Plus rien n'est.
Ni moi, ni toi,
Ni amour, ni création,
Ni onde, ni monde.

Rien ne sert de se chercher
L'autre en soi-même
Ou soi-même en l'autre
Il faut se perdre à point.

©2008 Marwan Elkhoury

Wednesday, September 10, 2008

Je t'aime tu m'aimes

Je t’aime
Un peu, beaucoup, pas du tout, à la folie.
Comment t’aimer, saurais-je t'aimer, le saurais-tu ?
Tu m’aimes,
Un peu, beaucoup, pas du tout, à la folie.
Comment m’aimer, saurais-tu m'aimer, le saurais-je ?

J’aurais voulu t’aimer
Tu aurais voulu m’aimer
J’aurais voulu que tu m’aimes comme je t’aime
Tu aurais voulu que je t’aime comme tu m’aimes.
Combien m’aimes-tu ?
Un peu, beaucoup, pas du tout, à la folie.

M’aimes-tu ?
Pas de réponse.
Question sans réponse.
Ton ‘pas de réponse’ résonne de réponses
Ton ‘pas de réponse’ est de toutes les réponses
De celles que tu m’as données
Sans doute, la seule, la meilleure que tu aies pu me donner.

Voyons, repassons un peu les faits ensemble …
Ou … chacun tout seul.
Je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout,
Beaucoup.
Tu m’aimes, un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout,
Pas du tout.

J'ai demandé aux marguerites
de me dicter les rites.
C’est triste !
Non. C’est la vie !

©2008 Marwan Elkhoury

Tuesday, September 9, 2008

Le dilemme du prisonnier

Moi, je t'aime et te jure que toujours je t'aimerai
Toi, tu m'aimes et me jure que toujours tu m'aimerais
Tu avais promis de toujours m’aimer
Comme j’avais promis de toujours t’aimer.

Aussitôt dit, aussitôt fait, tu courrais en aimer un autre,
Faisant semblant de toujours m’aimer.
Et moi de courir en aimer une autre,
Faisant semblant de toujours t’aimer.
L’autre, promettant de t’aimer, en aimait un autre,
Qui en aimait une autre, promettant de l’aimer.

De fil en aiguille et au fil des jours,
A chaque nouveau tour de vis, à chacun d’en aimer un autre,
Tout en prétendant s’aimer l’un l’autre pour toujours,
Et, chacun, libre de courir après chacune de ses amours,
Restait l'inconditionnel prisonnier de sa liberté de l'autre.

A courir trop de lièvres,
Chacun de se retrouver
Gros-jean-comme-devant,
Le soir, lové sur un divan,
Sans lèvres à embrasser,
Que celles de celle qu’il prétendait aimer
Tout en pensées pour celle qu’il voulait aimer.

©2008 Marwan Elkhoury

J'ai promis à dieu

J'ai promis à dieu
Que le jour où tout irait mieux,
J'arrêterai d'écrire.
Rassurez-vous, cela n'arrivera jamais.
Tout au contraire, cela va sans dire.

Je ne pourrais qu'écrire pis,
Les choses n'allant jamais en s'améliorant,
Mais toujours en se dégradant,
Premier principe d'entropie.

J'aurais voulu être ton amant,
Et toi, mon aimant.
Mais en fait, je t'aime, toi. Toi, toi non plus.

Tu as beau me haïr ou me fuir,
Je ne t'aimerai que plus.
La distance entre toi et moi s'amenuise
À mesure que tu t'éloignes,
Pour qu'à l'infini, elle soit enfin nulle
Et que plus rien ne nous sépare encore,
Dans la vie comme dans la mort.

Ton regard sur moi ne se pose,
Mais sur toute autre chose que moi se dose.

Pitié, lui dis-je, un baiser,
Un seul, pour y soigner mes plaies
Trop tard, mon cher,
Tu m'est toujours aussi cher,
Mais je suis déjà trop loin allée.

Tu étais plus loin de moi quand tu m'étais proche.
Moi aussi je prends à présent mes distances pour être proche.
On prétend que le feu de l'amour y gagne dans l'errance
Et qu'en prenant le large, on y gagne en souvenance.
Je me suis alors éloigné pour te retrouver,
Et dans cet éloignement, nos âmes se sont enfin prouvées.

J'ai perdu l'espoir de t'aimer
Et gagné le désespoir de t'aimer.
Je t'aime toi, toi, toi non plus.

©2008 Marwan Elkhoury

Monday, September 8, 2008

Les cris et l’écrit

Oserai-je t’appeler amie,
Alors que tu ne m’appelles même pas.
Oserai-je t’appeler alors que tu ne m’appelles pas.
À défaut de t’appeler, je t’écris.

Tout écrit est un cri,
Un cri sourd, un cri lourd, un cri étouffé.
L’échec du cri est l’écrit,
L’échec de l’écrit est le cri interné,
L’échec du cri interné est écriture interieure,
Et l’échec de l’échec est l’échec et mat.

Cri de désespoir de n’être pas écouté,
Dont l’espoir n’est que l’espoir d’un désespoir d’être écouté,
Au mieux le désespoir d’un espoir de ne pas être écouté.

Je t’appelle alors sans t’appeler,
Pour que tu ne m’appelles plus sans m’appeler.
Je t’écris, poussé par ce besoin animal ou sentimental de parler
Plus que de te parler,
Parler dans un désert de foules silencieuses et muettes,
Ne communiquant plus que par palimpsestes
Dont la trace se perds dans des tables célestes.

J’écris, pour écrire plus que pour dire.
Je n’ai rien à dire. Encore faut-il le dire
Pour que tout le monde le sache.
En même temps que je contemple toute l’absurdité de ce cri,
Je me refuse à ce qu’il m’empêche ni de le faire ni de le dire.
Ceci est cela. A cela, aucun ne peut y échapper
En faisant comme si ça ne l’était pas.

©2008 Marwan Elkhoury