Thursday, September 9, 2010

La complainte du condamné

Tu m'avais quittée sans te retourner.
Je suis parti pour ne pas te quitter,
J'ai épousé le vent comme la pluie
Pour fuir les saisons qui me fuient.

Je ne sens plus les printemps passer,
Balayé par des hivers rigoureux.
Je vogue sur des océans démontés,
Refroidi par des espaces sans cieux.

Je pars me consoler dans des volcans éteints,
Comprendre ce que l'amour ne m'a donné,
Consumer mes peines sous cette voûte étoilée,
Pour épurer l'éprise dans mon coeur atteint.

J'ai besoin d'absorber des poisons amers,
Pour mériter l'absolution des enfers,
M'évanouir dans l'atmosphère éthérée,
Et chanter la complainte du condamné.

©2010 Marwan Elkhoury

Saturday, August 14, 2010

Saurions-nous encore nous aimer

Que dirions-nous, ce jour-là,
Si nous devions nous revoir.

Saurions-nous quoi nous dire
Après tout ce temps sans le dire,
Saurions-nous quoi prédire,
Après tout ce temps sans se voir.

Retrouverions-nous les mots
Qu'à la lueur de nos ors passés
Nous n'aurions su nous dire.

Retrouverions-nous les rires
À l'ombre des fleurs flétries,
Faute de se voir, faute de les dire,
Nous n'aurions pu les lire.

Si nous nous revoyons encore
À l’aube d'un soleil couchant
Pourrions-nous nous aimer encore
Comme nous nous sommes aimés tant.

Saurions-nous nous fondre dans la magie
Avec ou sans l'aide de bougies.
Pourrions-nous encore sourire
Avec ou sans fleurs de paradis.

Saurions-nous encore nous aimer
Revivre nos anciens amours,
Nourrir une gloire passée,
Dans la pénombre de ces jours.

Ne sera ce jour
Où nous devrions nous voir,
Il sera toujours
Un autre jour.

Et ces paroles, toujours désirs,
Mais jamais dites,
Seront toujours
Pour des jours à venir.

L'avenir n'est jamais aujourd'hui
Il est demain.
Nous ne vivons que des lendemains
Et jamais l'aujourd'hui.

Où sont passés nos rêves d'antan
Où sont passées nos fleurs d'Ispahan.
J'ai rêvé mes rêves pour ne pas les vivre
Et vécu mes vies pour ne pas les rêver.

Où sont passés nos rêves d'antan
Où sont passés nos rires d'enfants
Ce soir, dans la pénombre, je me demande,

Où sont passés nos amours en fleurs
Abandonnés parmi des fleurs sans amours.

©2010Marwan Elkhoury

Thursday, July 22, 2010

Elle est partie pour toujours

Elle est partie, oui, pour toujours
Me lâchant dans la nuit noire des jours.
La poésie n'a pas les mots toujours
Pour étouffer les larmes de l'amour.

Depuis, mon ombre m'a aussi lâchée
Partie rejoindre d'autres étés.
Installé dans l'hiver de ma solitude,
Je vis parmi les neiges d'altitude.

J'avais cru trouver le bonheur par amour
Au lieu du malheur aux rendez-vous de toujours.
Dis-moi, pourquoi t'avoir rencontrée pour te perdre
Et pourquoi se connaître pour mieux se défaire.

Tes caresses sont à présent des blessures amères
Et tes charmes se transforment en larmes de sel.
Pourquoi les mots quand ils partent en guerre
Contre une pensée, qui, d'amour, devient fiel.

Emporté dans le sac de mes errances
Personne pour entendre mes silences,
Plus même le mot dans lequel me réfugier,
Que le silence sépulcral pour m'alléger.

©2010 Marwan Elkhoury

Monday, June 21, 2010

Il n'y a pas d'amour heureux

Je t'ai rencontrée par hasard
Et t'ai perdue par nécessité.
Il me fallait t'aimer sans retard,
Te préservant pour l'éternité.

Je t'ai toujours connue
Avant même que tu ne fus
J'ai eu, de toi, la nostalgie,
Avant même que tu ne me fuies.

Et maintenant que je t'ai rencontrée
Tu me manques déjà,
À l'idée que demain, je t'aurais,
Perdue, à tout jamais, hélas.

Le temps n'est pas avec nous
Car le temps joue contre nous.
Contre le temps, la lutte est, d'avance, perdue,
Comme en amour, c'est, du reste, sans issue.

Ce mot, je t'aime,
Tu ne m'as jamais laissée te le dire.
Maintenant que tu n'es plus avec moi,
Je peux, sans cesse, te le dire:

Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime.

Tu m'as dit qu'il n'était pas décent
Qu'après trois heures, ça ne se disait guère,
Mais ce mot, dès mon premier regard,
Je te le murmurais déjà en dedans.

Tu me dis qu'il ne faut pas t'aimer
Car tu devrais me quitter
Mais je ne sais que t'aimer
Même au prix de te quitter.

Tu me dis qu'il ne faut pas s'attacher
Car tu devrais me quitter
Comme si aimer allait sans s'attacher
Même si au bout du jour tu me quittais.

Tu me parles du futur
Où tu ne seras plus
Je me raccroche au passé
Ou la promesse d'être.

Tu me dis qu'il faut t'oublier
Comme si je le pouvais,
Et même si je le voulais,
Je ne saurais t'oublier.

Tu me dis, va-t-en, vis ta vie,
Ne reste pas avec moi,
Je te dis, va-t-en, vis ta vie,
Sans m'en demander plus.

Ma vie n'est rien sans toi
Car ma vie, c'est toi,
Et que sans toi,
Je suis sans voie.

Tu m'auras bien vite oublié
Et si tu te souviens de moi encore
Ça sera comme d'un lointain mirage
Comme pour ces marins assoiffés
Aux souvenirs du rivage.

Tu m'as donné le bonheur de t'aimer
Et le malheur de te perdre
Depuis je ne connais plus que le malheur
Et perdu le sourire de tes heures.

J'ai trop aimé l'amour pour pouvoir le vivre
L'amour, il faut en rêver et non le vivre
Le temps ne joue pas en notre faveur
Tu m'as quitté pour m'en donner la preuve.

©2010 Marwan Elkhoury

Saturday, May 1, 2010

Tant pis si le temps me quitte

Tant pis si le temps me quitte,
Tant pis si la vie s'esquive,
Et que la mort, les bras ballants,
M’invite.

Au moins, toi, ne me quitte pas,
Nous le regretterons tous deux.

Que pouvons-nous faire ?
Nos pas se sont mis en travers.
Nous ne pouvons nous en défaire.

Ne t'attache pas à moi,
Prends-moi dans tes bras.
Je vais disparaître.
Le temps m'effacera.

Ne me quitte pas,
Aime-moi maintenant.
La vie ne durera pas
Longtemps.

Tu as vu la paix.
La paix n'a pas duré.
La guerre nous a séparé,
Comme elle l'a toujours fait.

Pour oublier le temps
Prends-moi dans tes bras
Le temps de t'aimer.

Je ne veux pas te perdre
Je t'ai à peine retrouvée
Tiens-moi dans tes bras
Serre-moi très fort.

Garde-moi là pour toujours
Je ne serai pas là toujours
Ni ne sera toujours là l'amour

Chaque fois que je te retrouve
Le tragique nous traverse
Tiens-moi,
Le temps que le temps se déverse
De la plaie béante qui s'entrouvre.

Laisse-moi m'éloigner
Avant de t'aimer
Nous avons si peu de temps.

Prends-moi dans tes bras
Je me meurs sans toi

Attends ! Ne pars pas !
J'ai de la peine.
Je me meurs sans toi
Ne pars pas ! Je t'aime.

©2010 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 2, 2010

Eve

Vierge et archange, elle était là, entre ciel et terre,
Adossée au zinc d'un bar glauque sans lumières,
Sis six rue des soupirs cinglants,
Si désinvolte, enjouée, lascive et déconcertante,

Une peau fendue, léchant sa robe moire,
Assortie à son kohl démoniaque, ses cheveux noirs,
Relevant ses yeux bleus en un cou gracile,
Serti de diamants à mille facettes.

Autour de ses genoux d'or, frissonnants,
De longues jambes guindées, voleuses,
Des hanches galbées, une poitrine pulpeuse,
Et les échancrures de sa robe renforçant
Les appâts de ses formes généreuses.

Un miroir au milieu du bar
Renvoyait les mille feux de son corps
Aux mille garçons avachis
De boissons et de morve.

Mais quoi qu’elle s'offrit à tous en reflet,
Elle était de celles qui ni ne se donne, ni ne se prend,
N'appartenant, vestale, à personne
Sauf à elle-même.

À peine pénétrais-je dans ce saint des saints
Qu'elle m'offrît un regard langoureux
Et entre moi et elle, à dessein,
Tout le monde des soupirs malheureux.

L'Eve était tout en un: amour, séduction, érotisme,
Vénus faite femme, bête sauvage, éros et thanatos,
Et moi, l'Adam, rien du tout, inexistance et mutisme,
Mais avec tout le pathos.

J'embrassais ces lèvres qui avaient
Cet avant-goût de ce que peut être la mort
Quand elle se mêle à cet arrière-goût de l'amour amer

Une illusion de bonheur éternel
Que seul le désespoir de l'infini peut donner,
Dans la reconnaissance du répit éphémère.

Elle n'avait cure qui j'étais.
Je la regardais, afin d'oublier que j'étais
Et l'admirais afin d'oublier qui j'étais.

Je m'abîmais en elle
Et fracassais ce moi,
Que je haïssais autant que je la chérissais.

Tout en elle était mystère
Qui voulait la connaître
Brûlait à jamais dans la lumière.

Lorsque l'on croyait l'avoir domptée,
Elle s'évaporait
Dans le feu des lumières de la nuit.

L'amour tout entier n'est-il pas uniquement
Une tentative désespérée et vouée à l'échec
D'accéder aux ultimes paradis perdus !

Retrouver dans les lignes de ce corps perclus,
Les cercles parfaits du ciel et des enfers

Et dans ces formes ovales
Les sensations vespérales
De tous les arts,

De Botticelli à Picasso,
En passant par Fragonard,
Delacroix, Picabia et Miro.

©2010 Marwan Elkhoury